Vers un don de plus en plus engagé ?

Longtemps considéré comme un geste de solidarité désintéressé, voire un acte de charité dans de nombreuses cultures, l’acte de don se transforme profondément depuis plusieurs années.

Il n’est plus uniquement un élan de générosité ou une réponse donnée aux appels lancés par les organisations en quête de moyens financiers. Le don devient un acte de conviction, engagé, voire militant, en réponse aux mutations profondes qui traversent nos sociétés.

Le paysage associatif est de plus en plus dense

Associations, fondations et ONG sont de plus en plus nombreuses à œuvrer sur le front de l’intérêt général. Rien qu’en France, le paysage associatif a connu une croissance exponentielle lors des dernières décennies, passant de 30 000 créations annuelles d’associations dans les années 1970 à plus de 70 000 en 2023-2024. Aujourd’hui, près d’1,5 million d’associations se donnent pour mission d’agir dans les domaines aussi variés que le sport, la culture, la lutte contre les inégalités ou la défense des droits…[i] Et nombreuses sont celles qui sollicitent la générosité du grand public, conduisant les donateurs à opérer une vraie sélection pour choisir la structure à qui ils confieront leur soutien financier.

À l’instar de leurs actes de consommation, fondés pour certains sur des critères éthiques, écologiques ou encore de transparence financière, les nouvelles générations de donateurs sont plus exigeantes quant à la rigueur et à l’efficacité des structures qu’ils soutiennent.

Le désengagement de l’État change les règles du jeu

Dans le même temps, les associations sont fragilisées par une baisse structurelle des financements publics. En France, de nombreuses structures de l’économie sociale et solidaire constatent cette évolution. La CRESS Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, a récemment perdu un quart de ses financements publics, mettant en péril une partie de ses actions d’accompagnement. Le retrait partiel ou total de subventions du Conseil Régional de Loire-Atlantique à plusieurs structures ou manifestations culturelles a lui aussi sidéré par son ampleur et sa soudaineté.

Ce désengagement progressif de l’État – que l’on constate aussi à l’international, comme récemment aux États-Unis, avec la baisse spectaculaire des crédits alloués à l’USAID – vient renforcer la responsabilité du financement des actions d’intérêt général par les citoyens eux-mêmes et la société civile.

Donner devient une forme d’expression, un engagement pour un modèle de société que l’on souhaite voir advenir, un soutien à des valeurs que l’on estime malmenées, une stratégie de transformation…

Une nouvelle sociologie de donateurs émerge

Les générations les plus âgées, dites « matures », ont bien souvent donné par devoir moral ou par fidélité à une association, voire même à une personnalité, sans forcément demander de comptes quant à l’impact concret de leur geste.

Les nouvelles générations de donateurs (X, Y et Z) s’engagent désormais activement dans des actions philanthropiques. Selon une étude de l’IFOP pour la Fondation de France [ii], 83 % des jeunes ont déjà réalisé un acte philanthropique, qu’il s’agisse de dons financiers, en nature, de bénévolat ou d’une autre forme de soutien à des causes, via des associations.

Vers une culture du don « politique » ?

Si le terme « politique » peut diviser, il faut ici le comprendre dans son sens premier : celui de l’engagement d’un individu pour influer sur la vie de la Cité.

Le don devient un levier d’action, un outil de transformation sociale. On donne non seulement pour réparer, mais aussi pour agir sur les causes profondes des inégalités ou de changements que l’on estime non souhaitables. Dans le dernier Baromètre France Générosité, la lutte contre le changement climatique figure ainsi désormais parmi les cinq premières causes soutenues par les Français, reflétant une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux[iii] et plus largement, une sensibilité de plus en plus forte aux questions de justice sociale et de durabilité.

Si on résume

Chez Alteriade, nous observons ces évolutions avec attention et enthousiasme. Elles obligent les structures qui font appel à la générosité, et celles et ceux qui les conseillent, à renforcer leur lisibilité, leur transparence, leur cohérence. Elles ouvrent aussi la voie à de nouvelles coopérations entre citoyens-donateurs et acteurs de terrain, fondées sur un engagement réciproque, réfléchi, raisonné.

Le don n’est plus un simple transfert d’argent : il devient tantôt un acte de résistance, d’adhésion, de transformation.


[i] Etude La France associative en mouvement – édition 2023

[ii] IFOP – Fondation de France « Les jeunes et l’engagement » – 2024

[iii] France Générosités – Baromètre 2024

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